Alors que les questions de climat et de protection de l’environnement sont une préoccupation majeure, notamment chez les jeunes, l’existence de la ligne de fret de fruit et légumes reliant Perpignan à Rungis est remise en question. Chaque année ce sont 140 000 tonnes de primeurs qui transitent par cette ligne.
Le 20 juin dernier des représentants des cheminots, de la CGT, de la région Occitanie, et des élus du Val-de-Marne manifestaient contre la fermeture de la ligne devant les bureaux d’Élisabeth Borne, ministre chargée des Transports.
D’importants dégâts annoncés
Si cette liaison disparaît, ce sont l’équivalent de 20 000 camions supplémentaires par an qui se retrouveront sur les routes, entraînant des dégâts considérables : augmentation de la pollution, de l’accidentologie, congestion du réseau routier avec notamment un camion toutes les six secondes sur l’autoroute A86 dans le Val-de-Marne.
Au niveau de l’emploi, si cette ligne de fret est supprimée, la position centrale du marché fruits et légumes de Perpignan Saint Charles pourrait être remise en question au profit de Barcelone. C’est alors le risque de voir 6 000 emplois, directs et indirects, disparaître.
Des investissements colossaux et des restrictions
La construction des terminaux ferroviaires a été réalisée de 2006 à 2010. Le coût global a été de 60 millions d’euros.
Coté Rungis, le terminal a vu le jour grâce à 20 millions d’euros d’investissements : 3,5 millions d’euros de la Semmaris, société gestionnaire du MIN de Rungis, 3,5 millions d’euros de la SNCF, 6,5 millions d’euros du conseil départemental du Val-de-Marne et 6,5 millions d’euros du conseil régional d’Île-de-France.
Côté Perpignan Saint Charles, ce sont 40 millions d’euros qui ont été investis pour la création du terminal.
Chaque année, 140 000 tonnes de fruits et légumes arrivent au MIN de Rungis par le fret. Il est le plus grand d’Europe, et pourtant ces dernières années il a subi une réduction de son activité ferroviaire avec la suppression d’un deuxième train en 2016.
À la base un problème de vétusté
Il est maintenant question de fermer totalement la ligne de fret : le problème invoqué est la vétusté des wagons réfrigérés.
Selon Alexandre Boyer, secrétaire général CGT cheminots Paris Sud-Est, les wagons réfrigérés de cette ligne de fret sont en circulation depuis quatre décennies mais une maintenance adéquate est possible : « La durée de vie des wagons pourrait être rallongée, à l’instar des voitures Corail qui ont plus de 40 ans, comme les wagons réfrigérés du train primeur ! Un investissement bien moindre permettrait de maintenir, le temps d’une solution neuve, la liaison ferroviaire directe. »
Le représentant de la CGT parle d’aberration de l’organisation du système ferroviaire : « Nous demandons le respect des engagements issus du Grenelle de l’environnement en déclarant ce train d’utilité publique ou d’utilité nationale, un plan de développement pérenne du transport des marchandises par Fret SNCF en direction du MIN de Rungis et, au-delà des MIN du pays en liaison avec les ports. »
Les ouvriers de la maintenance ont été consultés, ils assurent qu’il n’y a pas d’urgence à fermer la ligne. Selon eux des travaux de maintenance sur les wagons réfrigérés permettraient d’utiliser ce train encore deux ou trois ans.
Une situation bloquée
Le remplacement des wagons réfrigérés coûterait 20 millions d’euros, ce qui créé un malaise. Le fret SNCF ne veut pas assumer cette somme et se tourne vers les transporteurs : Roca et Rey. Ces deux sociétés, basées à Perpignan Saint Charles, ne veulent pas verser cette somme. Elles ont décidé de cesser leur activité au 15 juillet.
De son côté, l’entreprise gestionnaire du marché de Rungis, la Semmaris, a déjà déboursé 300 000 euros, soit un an de loyer pour exonérer ces transporteurs afin que l’utilisation du terminal continue.
Pascal Savoldelli, sénateur communiste du Val-de-Marne, est monté au créneau lors des questions au gouvernement. Pour lui il est indispensable de maintenir cette ligne de fret qui a montré son efficacité six jours sur sept : « À l’automne il est prévu une révision de la constitution avec l’ajout de notions écologiques selon la proposition du président de la République. On ne peut pas mettre l’écologie dans la constitution et laisser supprimer une ligne de fret qui achemine 140 000 tonnes de primeurs et la remplacer par 20 000 passages de camions à l’année. On pourrait proposer que cette ligne transporte d’autres produits à son départ de Rungis et ne reparte pas à vide. »
Pour le gouvernement il s’agit d’un problème épineux. Ces derniers mois il a multiplié les groupes de travail, sans toutefois trouver de solution.
Des propositions mais pas d’issue
Le conseil départemental du Val-de-Marne, très impliqué dans la résolution de ce problème, constate que les transporteurs ont depuis longtemps choisi la route car dans cette configuration ils ne payent pas le loyer de l’infrastructure comme c’est le cas pour le fret par train. Les deux entreprises qui louent le fret ferroviaire se sont déjà organisées, car sur 420 000 tonnes annuelles de fret de fruits et légumes, 260 000 tonnes, passent par des camions. Écologiquement parlant il serait préférable de remettre en circulation un second train plutôt que d’arrêter la ligne de fret au 15 juillet prochain.
Pierre Garzon, vice-président du conseil départemental du Val-de-Marne en charge des transports, de l’aménagement, des déplacements et de la circulation déclare : « À ce jour, les propositions que nous avons faites ont été refusées par le gouvernement. Nous proposons une TVA à 0 % pour le fret ferroviaire et l’exonération de péage également sur le réseau ferré. Nous demandons la mise en place d’un système de vignette pour les camions les plus pollueurs dont le montant de la taxe serait déterminé en fonction du nombre de kilomètres parcourus. Cette disposition permettra de financer les travaux du réseau publics ferré pour favoriser le fret ferré. »
Tous les acteurs, à l’exception des transporteurs, restent favorables à une reprise d’une liaison ferroviaire d’ici la fin de l’année. Mais si la ligne de fret ferroviaire s’arrête effectivement dans moins de 15 jours, il y a la possibilité que cette ligne soit réaffectée à une autre activité entraînant le risque de voir disparaître définitivement ce service.