Cette imposante bâtisse installée sur les rochers avec ses 3 tours et ses remparts est devenue un site mythique de la côte phocéenne. Avec l’été et les beaux jours, les touristes affluent pour découvrir le lieu où fut incarcéré Edmond Dantès, alias le Comte de Monte-Cristo, personnage fictif du célèbre roman du même nom, publié en 1844, d’Alexandre Dumas. Nous connaissons l’histoire d’Edmond Dantès au travers du roman, mais surtout grâce aux nombreuses versions cinématographiques, plus ou moins fidèles à l’œuvre initiale. Ce 28 juin une nouvelle adaptation du Comte de Monte-Cristo est sortie sur grand-écran. Retour sur la genèse d’une histoire et d’un lieu qui continue de passionner petits et grands.
Après avoir lu le roman, après avoir appris que l’une des adaptations les plus fidèle de l’œuvre pour le cinéma fut celle avec Jacques Weber dans le rôle d’Edmond Dantès en 1979, après avoir frissonné devant une adaptation de Josée Dayan diffusée sur TF1 en 1998, avec Gérard Depardieu dans le rôle d’Edmond Dantès, et sachant que le nombre de versions cinématographique avait continué d’augmenter, je décide d’enquêter. Pour compléter mes connaissances je suis allée visiter à mon tour ce château, uniquement accessible par la mer. Curieusement, il n’a absolument pas les caractéristiques architecturales de ce que nous pourrions attendre d’un château. Sa première fonction fut de protéger l’entrée de la rade de la ville de Marseille, des assaillants.
La découverte de l’île
Tout a commencé en 1513, un bateau qui est en route pour Rome fait escale sur les rochers de cette petite ile située dans l’archipel du Frioul. A son bord se trouve un rhinocéros d’Asie, cadeau particulier du roi du Portugal pour le pape Léon X. Le navire et l’’animal font escale quelques jours sur l’île. François 1er de retour de sa campagne d’Italie est invité à découvrir le mammifère cuirassé, celui-ci fascine le souverain tout comme les Marseillais venus très nombreux. Quelques jours plus tard le bateau repart mais sombre dans le golf de Gènes. Sinistre fin pour le pauvre rhinocéros mais début d’une idée pour François 1er qui y fait construire une forteresse. En 1531 les travaux sont terminés, l’objectif est d’accueillir une garnison d’au moins 50 soldats. Au fil des années, le château d’If est transformé en prison.
Un écrivain engagé
Né républicain, l’engagement politique d’Alexandre Dumas se retrouve dans certaines de ses œuvres. C’est en juillet 1830 que celui-ci se concrétise dans le mouvement révolutionnaire. A partir de cette date il cherche à mettre l’histoire à la portée du peuple au travers de pièces de théâtre et de roman qui sont de temps en temps publiés sous forme de feuilletons dans la presse quotidienne. Il voit sa première pièce, « Henri III et sa cour » interdite dès le lendemain de son triomphe. En 1843 il fait construire le « Théâtre historique » à Paris ou ses pièces soulèvent l’enthousiasme des foules mais lui valent d’être parfois censuré. Après avoir publié sous forme de feuilletons « les 3 mousquetaires » dans le journal du « Siècle » il publie en 1844 sous la même forme « le Comte de Monte-Cristo. Ses lecteurs se passionnent pour l’épopée d’Edmond Dantès.
Un choix relié à l’Histoire
Le choix du Château d’If comme point de départ de son personnage n’est pas un hasard. La prison insulaire, destination sans retour, renvoi à l’isolement ultime : Elbe, Saint Martin de Ré, Sainte-Hélène, Fort Boyard ou Alcatraz avaient la réputation d’être des bagnes dont on ne revenait que très rarement. L’homme politique et écrivain s’intéresse à l’ile d’If car son père, le Général Thomas Alexandre Dumas de la Pailleterie, lui a dit que l’île avait accueilli pendant près de 18 ans le cercueil de plomb du Général Kleber assassiné pendant la campagne d’Egypte. Il apprend également que la prison a abrité Mirabeau, écrivain, diplomate, journaliste et député du Tiers Etat. C’est en 1834 qu’Alexandre Dumas visite le château d’If, « le Comte de Monte-Cristo » une histoire de vengeance, paraitra 10 ans plus tard. Très vite la pièce sera traduite et jouée à Londres.
Le château – Prison
Pour revenir à cette construction massive appelée château, plantée sur des rochers, elle fut une prison inviolable. Les prisonniers qui voulaient s’évader devaient tout d’abord briser leurs chaînes, forcer des portes, franchir des murailles, puis plonger dans une mer capricieuse, et parvenir à nager près de 1,5 kilomètre au milieu des courants… Tout en échappant à la vigilance de la garnison !
Des opposants au régime y ont été enfermés de 1562 à 1871. Le château d’If a ainsi accueilli des protestants durant les Guerres de Religion, et des Républicains après les émeutes de 1848 et le coup d’État du 2 décembre 1851 mené par le futur Napoléon III.
Alphonse Eberard, un républicain plutôt modéré, instituteur de profession, arrivé en tant que prisonnier politique en mai 1871, témoigne : « Nous trouvâmes à notre arrivée environ six-cents de nos malheureux compagnons qui nous avaient devancé dans ce lieu maudit. Les uns avaient été entassés dans des cachots au rez-de-chaussée, au milieu d’un tas d’immondices, de fumier, de pailles pourrie…les autres, un peu mieux partagés avaient pour logement les cachots du Masque de fer, d’Edmond Dantès, de l’abbé Faria, de Mirabeau, de Kleber… ». Témoignage que l’on retrouve à l’intérieur du château.
Oui, vous avez bien lu, alors qu’Alexandre Dumas, auteur de ce « best-seller » du 19ème siècle est décédé 6 mois plus tôt en décembre 1870, les cachots portaient déjà les noms de deux personnages fictifs de son roman « le Comte de Monte-Cristo ». Selon la rumeur, le tunnel de l’abbé Faria aurait été creusé par des gardiens pour coller le plus possible à l’histoire !
Cet été j’ai effectivement constaté qu’Alexandre Dumas, par la force de son génie créateur, la puissance et la précision de son imagination, a permis à la fiction de devenir réalité. Les visiteurs n’hésitent pas à passer ainsi quelques heures en prison. Plus d’un siècle s’est écoulé et l’engouement du public pour l’histoire et le site est resté intact.
Très intéressant. Bravo Anne
Merci Philippe. Ce château est tellement loin des représentations de châteaux que l’on se fait… alors j’ai voulu creuser, d’autant que c’est le point de départ d’un roman d’Alexandre Dumas, devenu incontournable !
Bravo pour ce reportage écrit qui donne envie de passer quelques heures en prison! Et envie de redécouvrir les œuvres de Alexandre Dumas !
SG
Merci Sophie, effectivement ce château, pas comme les autres, a la particularité d’avoir un peu humanisé la prison. Alexandre Dumas nous prouve une fois de plus ses qualités de conteur!